Dossier: Un mental fort

Vous avez tendance à procrastiner?

À reporter une tâche jusqu’à être au pied du mur ou, au contraire, pour vous y atteler avec une énergie et une créativité décuplées? Deux expertes nous en disent plus sur la procrastination.

Texte: Karin Hänzi; photo: iStock

La procrastination désigne le fait de reporter inutilement et de manière prononcée une tâche jusqu’à ne plus pouvoir l’effectuer complètement dans le temps imparti ou d’y parvenir au prix d’un stress intense. Petra Schmid , psychologue du travail et des organisations, constate que ce phénomène touche bien souvent les personnes travaillant de manière autonome et devant organiser elles-mêmes leur liste de choses à faire. «Comme les étudiant-es ou les journalistes», précise-t-elle en riant.

Les bienfaits de la procrastination

Attendre la dernière minute pour tout faire n’est pas toujours une mauvaise idée. Car certaines personnes travaillent mieux sous pression. «On est obligé d’être efficace. Et repousser une tâche permet de mieux se préparer. Tout ce qui se passe jusqu’à ce que nous passions réellement à l’action est intégré au processus, ce qui booste la créativité», explique la psychologue. 

Susanne Pladeck, conseillère en carrière et en talents, reconnaît les avantages de la procrastination: «Il peut être utile, de temps en temps, de reporter quelque chose, par exemple d’attendre le lendemain avant de prendre une décision délicate. Car la nuit porte conseil. Et cela laisse du temps pour revoir ses priorités et prendre du recul.» 

Un cercle vicieux invalidant: les inconvénients de la procrastination

La procrastination passive, à savoir tout reporter au lendemain parce que l’on ne sait pas faire autrement, est dangereuse. «Elle a un effet invalidant et aboutit à un cercle vicieux combinant pression, stress et sentiment de culpabilité. À tel point qu’elle peut se solder par une dépression», souligne Petra Schmid. Ce n’est heureusement pas le cas pour la plupart des personnes, mais une chose est sûre: «Il est prouvé que les procrastineur-euses ont tendance à être moins performant-es et sont plus susceptibles d’être en désaccord avec les autres membres de l’équipe. Si le travail de ces derniers est lié à des tâches devant être accomplies en temps et en heure, la situation peut devenir très désagréable pour tout le monde.»

Malgré les avantages qu’elle procure, il faut rester prudent avec la procrastination active: «Si l’on apprend beaucoup de choses par cœur dans un laps de temps très court en vue des examens, il est très probable que l’on oubliera très rapidement ce que l’on a appris.» 

La procrastination des émotions

Pour Susanne Pladeck, la procrastination englobe d’autres notions: «On dit également d’une personne qu’elle procrastine lorsqu’elle repousse des décisions importantes pour sa vie professionnelle et privée, évite les entretiens destinés à clarifier une situation et les conflits ou encore lorsqu’elle ne cesse de repousser une consultation chez le médecin en cas de problème physique ou psychique, ce qui nuit à sa santé.» Il s’agit là d’une mauvaise habitude dans pratiquement tous les cas. Elle perd le contrôle et, en fin de compte, le résultat risque d’être plus désagréable que celui qui aurait été obtenu si elle avait pris une décision, participé à un entretien important ou recherché l’aide d’un-e professionnel-le de la santé. Parce que dans ce cas, c’est la vie ou une autre personne qui décide à sa place.

Pour la consultante, les procrastinateur-euses passent non seulement à côté d’échéances importantes, mais ratent aussi de nombreuses opportunités. «La manie de remettre les choses au lendemain transforme les éventuelles réussites et belles expériences en échecs et déceptions. Ce qui entraîne une dévalorisation de soi et une perte d’autonomie.» La conséquence d’une telle attitude? Une pression toujours plus forte, de l’intérieur comme de l’extérieur. Ou une occasion manquée d’exploiter pleinement son potentiel. 

Tout le monde procrastine, peu ou prou. «Il y a toujours des tâches que nous repoussons.» La question est de savoir combien de temps nous attendons avant de les accomplir et pourquoi nous adoptons une telle attitude. Une personne de confiance ou un-e professionnel peut nous aider à en découvrir la cause et à développer des stratégies pour y remédier. 

Conseils et astuces pour ne pas procrastiner

Une personne qui a tendance à procrastiner ne doit pas se décourager. Car il est possible de lutter contre cette habitude:

  1. Réservez du temps dans votre agenda pour effectuer la tâche ou prendre la décision en question. Fixez-vous une heure bien définie et respectez-la.
  2. Divisez le travail en «petites portions faciles à digérer» et soyez honnête avec vous-même. Fixez-vous des objectifs intermédiaires réalistes. Mettre fin à la procrastination s’inscrit dans un processus dynamique, qui entend briser certains schémas. Y parvenir ne se fait pas du jour au lendemain. 
  3. Mettez en place un système de contrôle. Amis, membres de l’équipe, famille ou supérieur-e hiérarchique: impliquer d’autres personnes et leur rendre des comptes vous incitera à tenir vos engagements. Choisissez des personnes qui positivent et disposées à vous soutenir dans votre démarche.
  4. Établissez des check-lists et cochez chaque tâche que vous avez effectuée en temps et en heure. Vous verrez encore mieux vos progrès.
  5. Faites preuve de bienveillance avec vous-même. Faites-vous des compliments à chacun de vos succès et ne vous laissez pas décourager par les échecs. Rome ne s’est pas faite en un jour.

À propos des expertes

Petra Schmid, en plus d’être psychologue du travail et des organisations, travaille comme professeure extraordinaire au département de gestion, de technologie et d’écologie à l’EPFZ. Elle accomplit généralement ses tâches professionnelles tambour battant, mais a tendance à reporter au lendemain ses tâches personnelles, comme la recherche des cadeaux de Noël ou d’anniversaire. 

Susanne Pladeck est consultante senior chez Talent Solutions Right Management à Zurich. Chargée de la gestion de carrière et de talents, elle coache également les particuliers désireux de changer de carrière. La procrastination l’aide personnellement pour les tâches créatives. Car elle est d’une efficacité redoutable lorsqu’elle travaille sous pression. 

Partager