Tomber, se relever, continuer
Notre psychisme, lui aussi, a besoin de bonnes défenses immunitaires. Jacqueline Schürer a appris à ses dépens ce qui arrive quand elles sont au plus bas. Et elle a appris à se relever par la résilience.
Le vent dans les cheveux, le soleil dans les yeux, elle se promèneà vélo: c’est une journée parfaite de fin d’été. Mais danssa tête, Jacqueline Schürer se répète à l’infini tout ce qu’elledoit faire: elle pourrait passer rapidement ses derniers coupsde fil. Elle s’arrête, descend de vélo, fait quatre pas et s’effondresur l’asphalte. «Le sol s’est dérobé sous mes pieds», expliqueaujourd’hui cette femme de 47 ans. «Je suis tombée, tout simplement.J’étais allongée sur la route et je n’arrivais plus à merelever». S’ensuivent des examens médicaux, y compris chezle neurochirurgien. Celui-ci constate une absence d'activiténerveuse sur le côté droit de son corps, une rupture desdisques intervertébraux, une sténose d’un canal nerveux. Ellene sentait rien du tout. Son côté droit était presque paralysé.«J’étais carriériste et sportive, c’était inconcevable. J’étaissoudain impuissante.» Le fait que personne ne puisse lui direavec certitude si elle pourrait se relever et marcher à nouveaua changé quelque chose en elle.
Le système immunitaire du psychisme
Et aujourd’hui? Jacqueline Schürer refait du vélo, de lacourse à pied et de la randonnée. Mais beaucoup de chosesont changé. Elle a quitté Lenzbourg pour la nature, enHaute-Engadine. Elle a démissionné de son travail dans ladistribution et s’est reconvertie. «L’absence de limites, l’excèsde stress et le manque de repos m'ont rendue malade».Pour surmonter cette crise, elle a demandé de l’aide. Aujourd’hui,c’est elle qui propose son soutien: en tant quecoach, Jacqueline Schürer aide principalement les femmesà renforcer leur résilience – c’est-à-dire leur résistancepsychique. «C’est très important de ne pas s’astreindre àcontinuer par la force», explique Mario Grossenbacher,directeur du Resilienz Zentrum Schweiz. «La question n’estpas de tenir. Ce n’est pas grave d’atteindre des limites. Laquestion, c’est: de quoi avons-nous besoin pour nous relever?La résilience est une force de redressement.»
La force en nous
Mais qu’est-ce qui a aidé Jacqueline Schürer à se relever?Et pourquoi certaines personnes y parviennent plus facilementque d’autres? «La recherche a permis d’identifier des critères essentiels d’un comportement résilient»,explique Mario Grossenbacher. «Les facteurs génétiquesjouent un rôle. Certaines personnes naissent avec uneplus grande résilience que d’autres. On a en outre constatéque le stress prénatal et du jeune enfant peut avoir deseffets négatifs sur la résilience à l’âge adulte. L’environnementfamilial et la scolarité sont également des facteursdéterminants. Ainsi, des relations étroites et stables avecdes adultes et des exigences de performances personnaliséessont autant de facteurs protecteurs. Nous pouvonsinfluencer beaucoup de choses, même à l’âge adulte. Peutêtreque la crise suivante sera alors moins longue ou letrou, moins profond.»
Un bon réseau social est un facteur important, mais égalementl’acceptation et la responsabilisation. Organisersa vie de manière active et créative avec une attitudepositive, et chercher des solutions. Cela a l’air logique, mais comment faire? Mario Grossenbacher répond:«Quand il leur arrive quelque chose de désagréable, certainespersonnes tombent dans l’hyperactivité et secontentent de fonctionner. Il est important de se réserverdes pauses et de laisser de la place à la créativité. Carquand on s’épuise, on n’est plus en mesure de surmonterles situations difficiles.» D’autres personnes, en revanche,sont paralysées par la pression. «Le fait de se concentrersur ce qu’elles peuvent influencer peut les aider à retrouverleurs facultés d’action, et à ne pas se perdre dans cequ’elles ne peuvent pas changer. Voir les choses que l’onpeut faire nous permet de redevenir actifs. C’est cetteattitude positive que j’enseigne.»
Check-in, check-out
Cet entraînement à la résilience commence par desimples rituels, qui permettent de mieux se connaître.Le mot d’ordre est le suivant: adopter un mode de viesain, et qui nous convient, nous rend plus forts. Et JacquelineSchürer de préciser: «Si tu passes tes journées àfaire des centaines de choses, tu ne vois pas ce qui sepasse autour de toi. Tu te contentes de fonctionner.» Ellemêmea dû se recentrer. Pour Mario Grossenbacher, cesexercices de prise de conscience sont essentiels: «L’exercicele plus simple, c’est le check-in. Il s’agit de commencerla journée consciemment. En me brossant les dents, je me demande: comment ça va? Qu’est-ce qui me préoccupe?De combien d’énergie ai-je besoin aujourd’hui?Combien m’en reste-t-il?» De nombreuses personnes nesavent plus s’écouter. «Quand le voyant de la réserve decarburant de la voiture s’allume, on sort de l’autoroute eton fait le plein, quel qu’en soit le prix. Mais quand notreniveau d’énergie diminue, on ne s’en rend souvent pascompte, on le voit trop tard ou on veut faire des économies.» Mario Grossenbacher s’appuie sur le système dufeu tricolore. Si le feu reste rouge pendant plusieurs jours,il demande de l’aide et dit plus souvent «non». Ou il faitdes choses qui donnent de l’énergie. «Ce n’est pas suffisantde faire du footing deux fois par an. Avec la formementale, c’est pareil.» C’est la raison pour laquelle il acréé le premier centre de fitness mental en Suisse. Aulieu de soulever des haltères, on échange, on fait desexercices de pleine conscience et on renforce ainsi sarésilience. «Il existe de nombreuses thérapies et offrescontre le burn-out. Nous voulions créer quelque chosequi nous permettait de persévérer ensemble. Sinon, onse laisse toujours rattraper par le quotidien.»
Mario Grossenbacher, coach en résilience
«Au lieu de refoulerune situation difficile, ilest utile de l’analyser:puis-je faire quelquechose pour y remédier?Si ce n’est pas le cas, onpeut essayer de lâcherprise. Et se concentrersur les aspects positifs:qu’est-ce qui est possiblemalgré tout? Ai-jeappris quelque choseet contribué ainsi activementà me protégercontre toute éventualitéà l’avenir?»