Le numérique menace-t-il la solidarité?
Les smartphones et les montres connectées nous simplifient la vie. Or, toujours plus de fabricants d’appareils, d’exploitants d’applis et de prestataires disposent de toujours plus de données sur les clients: comment, à l’avenir, faudra-t-il gérer les données particulièrement sensibles? Et qu’est-ce que cela signifie pour l’assurance?
Faire les courses, manger, faire du sport, chatter avec les amis: la transformation numérique, qui n’épargne aucune sphère de la vie, affecte en profondeur notre société. Et elle touche également les secteurs de l’assurance et de la santé. Car plus le nombre de données disponibles sur notre vie et notre organisme est élevé, plus notre état de santé personnel gagne en transparence. Lorsqu’il s’agit de données aussi sensibles, il est important de prendre en compte des considérations d’ordre non seulement juridique, mais aussi éthique.
Des bases ont été jetées pour le secteur de l’assurance: la fondation de Sanitas a publié un document de travail en collaboration avec des acteurs issus de l’économie, de la science et de la société. Il présente la manière dont les entreprises, l’État et les consommateurs peuvent assumer leur responsabilité numérique dans le secteur de l’assurance tout en conservant une marge de manœuvre pour adopter une conduite tournée vers l’avenir.
L’automesure, une menace pour la solidarité?
Dans l’assurance maladie de base, chacun s’acquitte d’une prime pour bénéficier d’une couverture dans le cas où, d’aventure, il devrait être amené à se rendre de manière répétée chez le médecin ou subir une opération. D’autres, qui n’ont pratiquement aucun problème de santé, cofinancent ces cas au nom du principe de solidarité. Mais qu’adviendra-t-il si les données numériques portant sur l’organisme et le mode de vie permettent de comparer toujours plus les individus? Les personnes faisant attention à leur santé seront-elles encore disposées, à l’avenir, à payer pour celles qui prennent délibérément des risques en termes de santé? Et que signifie cette évolution dans le secteur de l’assurance complémentaire privée? Les formules d’assurances proposant des primes indexées sur le comportement ou individualisées se multiplieront-elles?
La transformation numérique suscite un éventail de questions que la société, dans son ensemble, se doit de considérer. Les entreprises, l’État et les consommateurs sont tenus de redéfinir les notions d’équité et d’égalité de traitement à l’époque numérique.
Quelle responsabilité pour les assurances?
Une entreprise qui utilise et enregistre des données doit faire preuve de transparence: comment les données sont-elles recueillies, dans quel but sont-elles utilisées, sont-elles transmises à des tiers et est-il possible de les supprimer? En proposant des formules d’assurance variées, les assureurs donnent aux clients une liberté de choix – ce qui concerne également l’intégration des données à caractère personnel. Les consommateurs doivent pouvoir décider eux-mêmes des prestations dont ils souhaitent disposer et, pour cela, des données qu’ils sont prêts à partager. Ce qui rejoint les principes éthiques que sont l’autonomie et la protection de la personnalité.
Quel rôle pour l’État?
L’État fixe des conditions-cadres pour les entreprises et les consommateurs afin de soutenir la transformation numérique tout en évitant des discriminations indésirables au sein de la société. Il assume son devoir de surveillance sur les assureurs, vérifie les nouveaux modèles d’assurance et de prime, et contrôle la bonne application des directives en matière de protection des données. Eu égard à l’évolution du numérique, il pourrait exiger par exemple une simplification des conditions-cadres ou des directives en matière de protection des données et une présentation plus claire de celles-ci aux consommateurs – au moyen de pictogrammes notamment.
Fondation Sanitas
La fondation Sanitas encourage le débat autour de thèmes importants pour la société. En collaboration avec des acteurs de l’assurance, de hautes écoles, d’associations, de la protection des consommateurs et de think tanks, la fondation de Sanitas a élaboré un document de travail intitulé «Responsabilité numérique et solidarité dans le domaine de l’assurance». Ce document ne prétend pas livrer une description exhaustive de l’évolution du virage numérique ni de l’impact de ce dernier. En revanche, il entend encourager la discussion à l’échelle publique.